Les 10 grandes agglomérations françaises doivent « doubler, voire tripler leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre à l'horizon 2030 pour respecter l’objectif de l’accord de Paris », selon un rapport inédit réalisé par WWF France. Le bâtiment, contributeur majeur, représente une marge d'amélioration importante.
A chaque épisode de pollution et de canicule, les mesures d’urgence adoptées par les grandes métropoles françaises sont désormais bien rodées : circulation différenciée adoptée à Lyon et Paris ce mardi 7 août, transport public à prix réduits, réduction de la vitesse autorisée sur les grands axes. Autant de rustines que certains envisagent de rendre pérenne tant l’impact environnemental des transports dans les grandes agglomérations est majeur. Les métropoles doivent faire davantage au regard des enjeux du changement climatique.
C’est en tout cas les conclusions de l’étude « Le défi climatique des villes » publiée en juillet par WWF France et EcoActe. Les deux ONG dressent un constat alarmant pour les métropoles françaises : les 10 grandes agglomérations – qui représentent 16 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) et concentrent 20 % de la population – affichent un retard de 15 ans sur la trajectoire qui les mènerait à la neutralité carbone en 2050, objectif national défini par le ministre de la Transition écologique. Pire, ces territoires doivent « doubler, voire tripler leurs objectifs de réduction à 2030 pour respecter l’objectif de l’accord Paris », signé par 195 délégations dans le cadre de la COP 21 en décembre 2015.[...]
Ce constat résulte d’une étude inédite. Les deux organisations ont mis au point une méthodologie visant à définir une « mesure du défi climatique à l’échelon local ». Ce document se base sur le calcul d’un « budget carbone » des dix plus grandes intercommunalités hexagonales au regard, à la fois de l’objectif national d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et de l’Accord de Paris. Ce dernier vise à maintenir la hausse des températures du globe à 1,5°C ou à 2 °C maximum, d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle (fin du XIXe).
Ce budget carbone – c’est-à-dire la quantité de Gaz à effet de serre (GES) qui reste à émettre afin de ne pas dépasser les objectifs de la COP 21 - est d’abord calculé au niveau planétaire, puis adapté au niveau national, et enfin décliné localement. Ainsi, selon le scénario de 2°C et la méthode utilisée, la métropole du Grand Paris dispose d’un budget carbone, pour la période 2016 – 2100, de 682 millions de tonnes équivalent CO2 (soit 43 % du budget des 10 métropoles) ; Aix-Marseille de 197 (13 %) et 139 pour la métropole de Lyon (9%).
Puis au regard de ces données, les auteurs ont analysé les engagements et dispositifs établis par les métropoles concernant leur action sur le climat : adhésion aux conventions et labels (Energy Cities, Climate Alliance) ; avancement des engagements politiques locaux comme le Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) désormais imposé dans les réformes de la loi Maptam et Notre ; ou encore, le volume des émissions de gaz à effet de serre considérées selon une « empreinte globale ».
Un budget carbone dépassé dès 2036
Les résultats sont donc inquiétants, selon la trajectoire actuelle calculée par l’étude. D’ici 2036, les 10 métropoles françaises auront dépassé leur budget carbone du scénario à 2°C. « Ce constat indique que les engagements ne sont pas suffisants pour respecter le budget carbone alloué dans le respect des objectifs de l’accord de Paris », appuie le rapport.
Plus précisément, la métropole du Grand Paris aura dépassé son crédit en 2025. « Cette trajectoire représente un budget carbone d’environ 1 600 MtéqCO2 […] soit 7 fois celui défini par le WWF comme étant alignés avec un objectif de 2°C », précise le texte. Alors que l’objectif défini dans le PCAET du Grand Paris vise une réduction de 38 % des émissions globales, les ONG estiment nécessaire une réduction de 72 % comme étant l’objectif afin de respecter le budget carbone 2°C. Au sein d’Aix-Marseille, il faudrait une réduction de 83 %, 56 % à Lyon, 44 % à Bordeaux ou encore 34 % à Toulouse.
Améliorer l'efficacité énergétique
L’étude éclaire également sur l’impact environnemental de plusieurs secteurs au sein de ces territoires. Outre celui des transports et de l’industrie, particulièrement émetteurs, celui du bâtiment est un contributeur intense de GES. Ainsi, 33 % des émissions dans les métropoles sont liées aux bâtiments. Enfin, la performance énergétique des bâtiments est particulièrement épinglée : sept des dix métropoles obtiennent une performance énergétique « D ».
Les deux organisations proposent notamment une mobilisation des financements plus efficiente et le développement de « nouveaux outils tels que le tiers financement », une mesure qui figure dans le PCAET de Paris (voir ici p36). Un deuxième volet est abordé : l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’empreinte carbone des constructions neuves. Le Plan local d’urbanisme (PLU) des collectivités apparaît comme un « outil de référence ». Les auteurs proposent d’inscrire dans le règlement « un niveau maximal de consommation d’énergie primaire et/ou d’ensoleillement hivernal minimal ou encore en définissant des performances énergétiques et environnementales renforcées. »
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